"Les âmes grises"
Comment ne pourraient-elles pas être grises, ces âmes qui survivent dans le désespoir d’une guerre qui frappe et résonne aux portes du village, en cet hiver 1917, et où les seules lumières s’éteignent les unes après les autres.
Ces lumières, c’est cette épouse adorée et décédée trop jeune, qui hante l’esprit de ce procureur, admirablement interprété par Jean Pierre Marielle, cette jeune institutrice (Marina Hands) rayonnante de l’amour reçu, et qui s’éteint à l’annonce du décès de son aimé sur le front, et cette jeune enfant frappée dans son innocence par la perversion d’un criminel : le procureur ? Ce jeune déserteur ?
Tel le brouillard ou le ciel bas omniprésent, l’auteur nous laisse dans l’incertitude à chaque instant, ne laissant que quelques indices contradictoires sur ces morts successives, et nous suivons, déroutés, ce jeune policier (Denis Podalydès) dans ses doutes.
Il y a également ce juge d’instruction, incarné par Jacques Villeret, cruel par médiocrité, qui n’a de cesse de salir et rabaisser ceux qui le touchent, dans l’espoir vain de se hisser.
Ce film d’Yves Angelo, tiré du roman de Philippe Claudel, est réellement une belle œuvre, mais une œuvre noire, magnifiquement soutenue par la qualité des comédiens, et l’on sent que l’auteur a su laisser vivre ses personnages, sans interférer, leur donnant ainsi toute la profondeur et l’épaisseur qui manque à tant de films aujourd’hui.
L’indifférence n’est alors plus de mise, et on en vient à souhaiter prier pour ces âmes afin que La Lumière les illumine enfin, ces âmes qui n'ont pas compris que l'amour humain, si intense soit-il, ne préserve pas l'être aimé du danger ni de la corruption, mais que l'Amour divin seul transfigure le présent et préserve du désespoir."
Phidel